L’exposition du Jeu de Paume présente une sélection de séries réalisées par le photographe au cours de ces vingt dernières années. Elle fait dialoguer des corpus d’images et d’objets et établit une forme de traversée dans son œuvre, jusqu’à sa dernière pièce, Le Feu, produite spécialement pour l’occasion.  En même temps, Mathieu Pernot expose avec Philippe Artières, “L’Asile des photographies” à la Maison Rouge.  

Version courte

Version longue

Matjieu pernod, MP 17

mathieu pernod,MP 14

Mathieu Pernot, MP 10

Mathieu Pernod, MP 09

On était quasiment tombée amoureuse des photos des murs délabrés de Mathieu Pernot. On adorait déjà son oeuvre consacrée aux tziganes et dont il ne se lassait pas. On regardait encore ses feux brûler, encore et encore. Au contraire, revenant sans cesse  sur ces “personnages” dont il parle avec fascination. Et puis il nous a suffit de le rencontrer et de le filmer tout simplement, de l’écouter parler, expliquer consciencieusement son travail…. pour être séduit par l’homme et son oeuvre. Le discours est clair. Absolument pas prétentieux. Mathieu Pernot voit la vie comme elle est. Il regarde les gens qu’il trouve beaux et auxquels il s’attache. Son regard tombe sur des sans abris, des malades mentaux, mais aussi sur des immeubles que l’on détruit, des caravanes que l’on brûle. Son oeil reste donc intransigeant. Presque pur ? Le photographe diplômé de l’Ecole nationale de photographie d’Arles s’interroge alors. Comment montrer ces hommes si touchants et forts ? Si réels et fantastiques ? Si tristes et pourtant héros de notre temps ? C’est la toute la question de l’image qu’il se pose. Toute la question de la représentation qu’il livre au Jeu de Paume et à la Maison Rouge. Partout les images sont dures et douces à la fois. Ambiguïté. Partout le visiteur reste confronté la la réalité d’aujourd’hui. Celle du jour. De la nuit. Celle qu’il ne connaît pas. Si au Jeu de Paume les séries se renvoient l’une à l’autre dans un mouvement de va et vient heureux et constant, à la Maison Rouge la recherche demeure la même. Les images se conjuguent, se construisent plus peut-être, plus nombreuses, véritable corpus. Dans ce mélange d’images historiques, de presse, de celles de l’artiste, il y a la beauté de la faille. Celle de la douleur. Le fil du rasoir. Mathieu Pernot a l’art de comprendre, il connaît l’empathie, il aime les hommes. Et c’est ce qui ressort de ses expositions. L’amour, oui, tout simplement l’amour pour l’autre. Anne Kerner.

Informations sur l’exposition

Mathieu Pernot, né en 1970 à Fréjus, vit et travaille à Paris. Après des études d’histoire de l’art à la faculté de Grenoble, il entre à l’École nationale de la photographie d’Arles, d’où il sort diplômé en 1996. Son œuvre s’inscrit dans la démarche de la photographie documentaire mais en détourne les protocoles afin d’explorer des formules alternatives et de construire un récit à plusieurs voix. L’artiste procède soit par la réalisation de séries – parfois en résonance entre elles à travers personnages, chronologies ou thèmes –, soit par la rencontre avec des images d’archives. Dans tous les cas, ce nomadisme d’images et de sujets souligne son souhait d’éviter un récit de l’histoire à sens unique. Le déplacement perpétuel de ses images évoque donc une réalité qui est loin d’être figée ou immuable.

L’exposition du Jeu de Paume présente une sélection de séries réalisées par l’artiste au cours des vingt dernières années. Elle met en espace un nouveau montage faisant dialoguer des corpus d’images et d’objets et établit une forme de traversée dans son œuvre, jusqu’à sa dernière pièce, Le Feu, produite spécialement pour l’occasion.

Que ce soit par son propre travail de prise de vue, par l’appropriation de photographies ou d’autres types de documents d’archives, Mathieu Pernot interroge, donc, la diversité des modes de représentation et la notion d’usage du médium photographique.

L’idée de traversée, de déplacement et de passage, très présente dans son œuvre, est un élément récurrent de l’exposition présentée au Jeu de Paume. Elle s’incarne aussi bien dans la nature nomade et fragile des personnes photographiées
– Tsiganes, migrants, etc. – que par la présence des mêmes individus au sein de corpus d’images différents. Ils deviennent ainsi comme des personnages traversés par ces histoires au fil du temps.

L’exposition « La Traversée » propose la mise en forme d’une histoire contemporaine incarnée par des personnages vivant à sa marge. Elle manifeste une approche transversale et polymorphe du médium photographique mis à l’épreuve de son usage et de son histoire.

L’exposition s’ouvre sur la série Photomatons, premier travail réalisé entre 1995 et 1997 avec des enfants gitans dans la commune d’Arles, pour s’achever sur leurs portraits pris en 2013, soit dix-sept ans plus tard, pour « La Traversée ». Entre ces deux séries et au cœur de l’exposition, on retrouve ces mêmes individus, en 2001, dans la série Les Hurleurs.

Sont également montrés des travaux liés à la question des migrations – Les Migrants –, de l’urbanisme – Le Grand Ensemble – et de l’enfermement – Un camp pour les bohémiens et panoptique –, avec notamment la présentation d’une installation – Le Dortoir – et de dessins – Le Dernier Voyage – réalisés en écho aux photographies.

Dans le projet Le Feu, produit spécialement pour l’exposition, Mathieu Pernot remet en scène un rituel pratiqué chez les Roms qui consiste à faire brûler la caravane d’un défunt. En contre-champ de cette image d’incendie, il photographie des personnes (les mêmes que l’on trouve précédemment dans l’exposition à d’autres moments de leur vie) dont le visage est éclairé par la lumière du feu.

Mathieu Pernot, Jeu de Paume, Place de la Concorde, 75008 Paris. Du 11/02 au 18/05/14.

L’Asile des Photographies, Mathieu Pernot et Philippe Artières, La Maison Rouge. Du 13/02 au 11/05/14.

(Portrait courtesy ouvretesyeux, images copyright Mathieu Pernot, courtesy Jeu de Paume)